En ce dimanche de novembre, Erwan terminait la cuisson d’un far breton. Il comptait s’inviter pour le goûter chez Solène, il était affecté à l’idée qu’elle parte le lendemain. Il craignait qu’elle ne revienne pas. Il prenait plaisir à la découvrir un peu plus chaque jour, aller travailler pour elle tous les matins et passer du temps à ses côtés le rendait euphorique. Ses amis le lui avaient fait remarquer, il s’en était défendu bien qu’au fond de lui, il admettait qu’ils avaient vu juste. Il n’arrivait pas à se déclarer auprès de Solène, il sentait bien que l’attirance était réciproque mais il était maladroit avec les femmes, et l’échec de sa dernière histoire avait eu raison du peu de confiance qu’il avait en lui. Il s’était rasé de près et avait fait un effort vestimentaire, il lui fallait maintenant patienter jusqu’à 16 h. Il se cala dans son fauteuil préféré au coin du feu et prit le bouquin qu’il essayait vainement de terminer depuis un mois. Dès qu’il se plongeait dedans, ses pensées vagabondaient vers Solène, résultat, il n’avançait pas dans sa lecture.
Solène s’était installée sur un rocher avec un livre, elle musardait au soleil, Câline profitait de la marée basse pour courir après les mouettes. Vers seize heures, le temps commença à changer, le flux s’inversait, elle scruta la plage à la recherche de l’animal et ne la trouva pas. Elle pesta contre sa chienne et partit à sa rencontre. Elle devait se dépêcher, la mer remontait vite de ce côté de l’île, Erwan l’avait mise en garde contre ce phénomène. Elle l’aperçut enfin, couchée sur le sable, elle l’appela, en vain. Câline aboyait mais ne bougeait pas, l’eau se rapprochait. Solène décida d’aller la chercher, sa jambe s’enfonça jusqu’au genou, elle comprit avec effroi que sa chienne n’était pas couchée sur le sable mais prisonnière de la vase.
Véronique MASAGU 