Solène sortait de son rendez-vous hebdomadaire avec Philippe, son pas était lourd et son dos voûté. Elle ne ressemblait pas à une jeune femme de trente-trois ans, on lui en donnait facilement dix de plus. Elle avait parlé plus d’une heure à Philippe, lui racontant sa semaine, et les dernières bêtises de Câline, leur berger australien âgé de cinq ans.
Elle accéléra le pas, Câline l’attendait à la maison. Elle ne l’emmenait plus au cimetière avec elle. À chaque fois, la chienne se couchait sur la tombe de Philippe et hurlait à la mort. Solène était persuadée que l’animal savait que son ancien maître se trouvait sous cette dalle froide.
Solène avait rencontré Philippe à la fin de son master, elle venait de décrocher un poste comme secrétaire d’édition à la section romans chez Albin Michel. Il était responsable éditorial de celle des romans policiers, âgé de trente-cinq ans, un charisme incroyable, beau comme un mannequin. Toutes les filles de la maison lui couraient après pour obtenir ses faveurs en vain. Elles avaient fini par croire qu’il était gay.
Un mois après son embauche, les parents de Solène se tuèrent dans un carambolage sur l’A1. À tout juste vingt-cinq ans, elle n’avait jamais été confrontée à pareille situation. Devant son désarroi, Philippe était gentiment venu l’aider. Il l’avait épaulée dans les démarches administratives et l’avait soutenue le jour de l’enterrement. Il avait vécu la même chose dix ans plus tôt, aussi connaissait-il l’épreuve qu’elle traversait.
Tout naturellement, ils s’étaient rapprochés. Ils avaient une passion commune pour les voyages, la mer, la cuisine, et le cinéma. Ils avaient en horreur la vie nocturne et les boîtes de nuit.
Véronique MASAGU 